Featured image of post Départ

Départ

Troisième nouvelle écrite pour "La Rue des Bars"

Cette nouvelle est très importante à mes yeux. C’est probablement ce que j’ai écris de plus intime, et la relire me fait toujours remonter pleins d’émotions. Ce qui est assez incroyable, c’est qu’à l’époque où j’ai écris cette nouvelle, ma mère était encore en vie, son décès ne se produisant que plusieurs mois après. Pourtant, même des années plus tard, je suis surpris par la justesse des émotions qui s’en dégagent. Je n’avais jamais réellement été confronté à la mort, et pourtant je trouve la façon dont j’avais décrit le deuil très proche de la façon dont j’ai pu le vivre, quelques temps par la suite.

C’était une fin d’après midi d’été. L’air chaud rentrait par la fenêtre grande ouverte, les rideaux se mouvant allègrement avec le vent. La pièce avait une teinte sépia, qui ne durerait que quelques instants.

La chambre était encombrée par de nombreux cartons. Un sentiment d’éternité flottait tout autour de moi, comme si seule ma présence évoquait l’écoulement du temps.

Sur la petite table basse près du lit trônait un cadre photo. Ma mère n’avait jamais été le genre de personne à accrocher des photos partout, preuve que celle-ci était vraiment spéciale.

Je m’en approchai pour la prendre dans mes mains. C’était moi, à côté d’un ordinateur, tout sourire. Le souvenir était encore bien présent. C’était dans mon premier « local », là où quelques années plus tôt, j’avais décidé, plein d’espoirs, de me lancer dans la création de jeux-vidéo. Je l’avais invitée afin qu’elle puisse voir le grand garçon que j’étais devenu. Ça l’avait marquée, il faut croire…

Je reposai délicatement le cadre sur la table.

Nous n’avions jamais eu une relation fusionnelle, pourtant. À un point que, parfois, j’avais l’impression de plus avoir affaire à une amie qu’à une mère. C’était faux, j’imagine. Grâce à elle, j’avais toujours vécu dans un certain confort. Pas le luxe, loin de là, mais je ne manquais jamais de rien.

Un soupir.

Dehors, une voiture passa, soulevant un léger nuage de poussière ocre.

Une larme coula le long de ma joue. Suivie d’une autre.

Dans les cartons, tout autour de moi, c’était toute une vie qui était rassemblée. Des bibelots inutiles, des vêtements, des choses sans grande importance. Mais avec une histoire.

Au fond, c’est ça le plus important.

J’ouvris un tiroir. Un bazar improbable. Je pris un sac, puis commença le tri. Des briquets vide, des cassettes audio usées par le temps, des bâtons d’encens et même quelques trucs de bricolage.

Je pris une allumette dans ma poche de veste, la craqua et alluma le bout d’un des bâtons.

Rapidement, une odeur puissante se répandit dans la pièce.

C’était l’odeur entêtante des après-midi de retour de cours. Celle des soirées passées dans des canapés à discuter.

Des images me revinrent en tête, des émotions, un flux constant de sentiments qui m’arrachèrent à la réalité.

J’étais de retour de nombreuses années en arrière. Assis dans l’atelier de ma mère, un livre sur mes genoux, je tentais de faire semblant d’apprendre mes cours. Près de moi, la machine à coudre vrombissait tranquillement.

Le grincement de la porte me sortit de mes pensées.

« Tu as fini, chéri ? »

Je tournai la tête vers ma femme.

« Oui, j’arrive, j’en ai pour deux minutes. »

Un sourire.

« On prépare les dernières affaires, prend le temps qu’il te faut.

- Ça marche… Je t’aime.

- Je t’aime aussi. »

Je restai seul quelques instants dans cette pièce, entourés de souvenirs, avant de me lever. Je fermai les volets, puis la fenêtre, plongeant tout une dernière fois dans l’obscurité.

Le pas lourd, je sortis de la pièce, puis fermai à clé la porte de la chambre derrière moi.

Au revoir, maman.

Photo by sarandy westfall on Unsplash

Généré avec Hugo
Thème Stack conçu par Jimmy